Des notes à la publication

François-César LE TELLIER DE COURTANVEAUX, Alexandre-Gui PINGRÉ, Journal du voyage de M. le marquis de Courtanvaux, sur la frégate l'Aurore, pour essayer par ordre de l'Académie, plusieurs instrumens relatifs à la longitude… 1768.

 

« Voyager, c’est traduire », conclut Lamartine, impuissant à rendre adéquatement dans son Voyage en Orient l’émotion provoquée par la découverte du Parthénon. Les voyageurs cherchant à traduire leur expérience viatique dans sa singularité et sa nouveauté en un contenu appréhensible par leur lectorat et légitime aux yeux de la communauté savante se trouvent de fait confrontés à nombre d’écueils. La collecte de l’information demande au voyageur des qualités d’observateur, ainsi qu’un esprit de synthèse : il a le « coup d’œil qui saisit le vrai et abrège le temps des observations », affirme Diderot dans son éloge de Bougainville.

L’exotisme du perçu nécessite des stratagèmes tels que l’utilisation de termes issus des langues indigènes afin de décrire objets et concepts étrangers au cadre mental du voyageur et de ses lecteurs. La constitution d’une relation implique des efforts de régularité, et une attention minutieuse aux repères spatiaux et temporels, afin de faciliter la mise en ordre postérieure du texte.

Enfin, lorsque le voyageur prépare sa publication, il doit organiser ses écrits afin de les rendre intelligibles, légitimes, et agréables à lire : il peut choisir de maintenir la trame événementielle du journal, au risque de multiplier répétitions, excursus et détails contradictoires, ou opter pour un agencement arbitraire destiné à distinguer l’aventure et l’inventaire, c’est-à-dire la narration d’une part et la description de l’autre.

La manipulation du manuscrit, qui permet ainsi de faciliter l’émergence des contenus cognitifs, doit toutefois être conduite avec soin pour obvier aux critiques potentielles au sujet de l’authenticité du récit.

 

 

30 – Le marquis, l’astronome et le chanoine

 

François-César LE TELLIER DE COURTANVAUX, Charles MESSIER, Journal des observations faites par le marquis de Courtanvaux et MM. Messier et Pingré, pendant le voyage de Paris à Amsterdam, et retour de la frégate l'Aurore, commandée par le marquis de Courtanvaux ; 12 mai-1er septembre 1767. Volume III. Manuscrit, 1767. [Ms. 3010]. Document non numérisé

Les astronomes Pingré et Messier conduisent en 1767 une mission destinée à tester l’efficacité de montres marines dans la détermination des longitudes en mer. Le marquis de Courtanvaux, membre de l’Académie des sciences qui encourage le projet, finance et accompagne l’entreprise : il fait construire la corvette l’Aurore, qui parcourt la Manche durant trois mois. Le journal des observations est tenu par Messier.

 

31 – Du journal de bord au compte rendu : amender la relation

 

François-César LE TELLIER DE COURTANVAUX, Alexandre-Gui PINGRE, Journal du voyage de M. le marquis de Courtanvaux, sur la frégate l'Aurore, pour essayer par ordre de l'Académie, plusieurs instrumens relatifs à la longitude… Paris : Imprimerie royale, 1768. [DELTA 15352 FA]

La mission de l’Aurore donne lieu à un compte rendu à l’Académie, mettant Courtanvaux à l’honneur. Du Journal sont conservés la chronologie du voyage et le détail des observations ; mais disparaissent les anecdotes superflues, à l’instar des passe-temps de marins en rade du Havre décrits dans le manuscrit présenté ci-contre. La publication est enrichie de cartes et de vues du navire et des instruments testés.

 

32 – L’expédition de Marmier en Laponie : notes de voyages

 

Xavier MARMIER, Souvenirs de voyage, notes, remarques, pensées relatifs au folklore, à la mythologie, à l'histoire, aux institutions, à la langue et à la littérature du Danemark et de la Suède. Second volume. Manuscrit, 1838. [Ms. 3899]. Document non numérisé

Passionné de littérature et de voyages, Xavier Marmier (1808-1892) partage sa vie entre les bibliothèques – il deviendra administrateur de Sainte‑Geneviève – et les expéditions lointaines. Au cours de la décennie 1830, il sillonne les pays scandinaves et lapons. Il tire de ses notes de voyage de nombreuses publications sur les langues et les territoires du Nord.  Dans ce journal de son séjour en Laponie en 1838, il consigne à la date du 29 août sa rencontre avec un guide lapon du nom de Michel Johanssen Kemi.

 

33 – L’expédition de Marmier en Laponie : mise en récit

 

Xavier MARMIER, Notes autographes. Mythes et légendes de Laponie. Manuscrit, 1838. [Ms. 3895]. Document non numérisé

Marmier reprend ses notes prises au fil de la plume, pour retracer son voyage dans un style plus littéraire, en passant du présent au passé simple, et en supprimant dates et noms. Ces révisions formelles sont assorties d’un passage au genre épistolaire : avec le succès du feuilleton se diffuse la vogue des relations de voyages romancées et publiées par épisodes correspondant à autant de lettres envoyées du lointain.

 

34 – L’expédition de Marmier en Laponie : compilation et publication

Xavier MARMIER, Relation du voyage. Paris : Arthus Bertrand, 1844-1847. [8 G 196 (19) INV 2666 RES]. Document non numérisé

Le troisième temps de l’écriture donne lieu à une publication, où Marmier opte pour une organisation mixte : il respecte la chronologie de son voyage, tout en incluant des sections thématiques où sont rassemblées ses observations. La publication scientifique, loin de retrancher des éléments, reprend mot pour mot le travail d’enrichissement littéraire du manuscrit 3895, ainsi que l’illustrent les lignes consacrées au guide de l’expédition.

 

 

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