Exposer l’étrangeté humaine

Ernest DOUDART DE LAGRÉE, Francis GARNIER, Voyage d'exploration en Indo-Chine... 1873.

 

Autant que pour la nature, l’exploration de nouvelles régions du monde suscite la curiosité pour les nouvelles formes d’humanité découvertes. Ici aussi, le recours à l’image permet d’attester la véracité d’observations surprenantes, et d’offrir au lecteur le spectacle fascinant de l’étrangeté des peuples jugés sauvages, que ce soit pour se rassurer sur sa propre humanité, ou au contraire pour s’en inquiéter.

Descriptions et illustrations s’attachent en effet aux comportements susceptibles de choquer le public européen, en insistant par exemple sur les pratiques religieuses, assimilées à des superstitions. La représentation des costumes est un autre passage obligé, surtout aux XVIIe et XVIIIe siècles, qui semble dénoter le degré de civilisation des sociétés décrites. L’habillement offre par ailleurs un critère utile pour opérer les distinctions entre les cultures et, en leur sein, entre les identités sociales ; son enregistrement visuel devient un moyen de répertorier la diversité humaine et d’amorcer des comparaisons.

La mise au point de nouvelles techniques de gravure accompagne ces évolutions. La gravure sur cuivre autorise ainsi plus de précision que la xylographie. La lithographie, inventée à la fin du XVIIIe siècle, ne consistant plus à graver une matrice, mais à dessiner à l’encre grasse sur une pierre calcaire, permet à l’illustrateur de décalquer le dessin d’origine. Sa fidélité est mise au service des nouvelles tentatives de classement qui insistent alors sur l’apparence physique. En particulier, la chromolithographie est utilisée pour consigner les nuances de teint au moment où le développement du racialisme fait de la couleur de peau un critère de classification.

 

67 – Le récit de voyage illustré d’André Thevet au Nouveau Monde

André THEVET, Les singularitez de la France antarctique, autrement nommée Amérique... Paris : chez les héritiers de Maurice de La Porte, 1558. [DELTA 54095 RES]

Le récit que le géographe André Thevet (1516-1590) publie au retour de son voyage d’exploration au Nouveau Monde fournit un précieux témoignage sur la botanique, la zoologie et les coutumes des peuples amérindiens. Récit fondateur de l’ethnographie américaine, il est illustré de quarante et une gravures sur bois attribuées à Jean Cousin, qui montrent certaines pratiques des indigènes comme des scènes de cannibalisme.

 

68 – Le témoignage de Théodore de Bry sur les pratiques cannibales des Tupinamba

Théodore DE BRY, Hans STADEN, Americae tertia pars memorabilem provinciae Brasiliae historiam continens. Francfort-sur-le-Main : Théodore de Bry, 1605. [FOL G 167 INV 209 RES]. L'exemplaire numérisé par John Carter Brown Library date de 1597

Bien qu’il ne se soit pas rendu lui-même en Amérique, Théodore de Bry réalise un grand nombre de gravures (telles que ce festin cannibale), d’après les observations communiquées par des explorateurs comme Hans Staden (1525?-1576?). Ce soldat allemand s’échoue en 1555 au large du Brésil et reste neuf mois captif d’une tribu tupinamba, qui pratique l’anthropophagie rituelle et menace de le dévorer.

 

69 – Un explorateur en immersion totale dans les pays arabes

Carsten NIEBUHR, Voyage en Arabie et en d'autres pays circonvoisins… Tome second... Amsterdam : Steven Jacobus Baalde, 1780. [4 G 764 (3) INV 1134 FA]

Explorateur, cartographe et géographe au service du roi de Danemark, Carsten Niebuhr (1733-1815) participe en 1761 à une expédition scientifique en Égypte, en Arabie et en Syrie, dont il est le seul survivant grâce à son adoption du mode de vie oriental : vêtements, régime alimentaire... Soucieux de comprendre les coutumes et les mentalités arabes, il laisse des observations ethnographiques d’une grande finesse.

 

70 – Une expédition coloniale sur le Mékong

Ernest DOUDART DE LAGREE, Francis GARNIER, Voyage d'exploration en Indo-Chine, effectué pendant les années 1866, 1867 et 1868… Paris : Hachette, 1873. [FOL L SUP 153 RES]

Au début de la colonisation française en Indochine, les officiers de marine Doudart de Lagrée et Francis Garnier remontent le Mékong afin d’examiner la possibilité de rejoindre la Chine par le fleuve et d’en faire une voie propice aux échanges commerciaux. Leur récit, illustré de chromolithographies, décrit les contrées traversées, les peuples rencontrés et les difficultés que l’expédition a dû affronter.

 

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