Le métier de voyageur

William DAMPIER, Suite du voyage autour du monde avec un traité des vents qui regnent dans toute la Zone Torride. 1701.

Les grandes expéditions scientifiques des XVIIIe et XIXe siècles, commissionnées et financées par les gouvernements européens, occupent aux côtés des explorations maritimes de l’ère dite des Grandes Découvertes, elles aussi instiguées par les pouvoirs centraux des grandes puissances d’Europe occidentale, la place d’honneur dans nos représentations.

L’accent mis sur ce rôle de l’État a fait de l’explorateur professionnel, et en particulier du navigateur, le principal héros de la conquête de l’inconnu. Les collections anciennes des bibliothèques montrent au contraire que la majorité du savoir rapporté du lointain est à mettre au crédit d’autres types de voyageurs. La difficulté et le danger du voyage en réservent la pratique à ceux qui doivent se déplacer par profession, par vocation, ou par contrainte ; en même temps, ils rendent leur témoignage d’autant plus précieux qu’il est rare.

Si les différentes identités de voyageurs peuvent changer au cours des siècles, leur diversité, elle, est constante : au XIXe siècle et même au premier XXe siècle, missionnaires, marchands et diplomates rivalisent encore avec ceux qu’on appelle ethnologues, géologues ou botanistes.

 

 

1 – Un voyageur malgré lui

Bartol ĐURĐEVIC, De Turcarum moribus epitome. Paris : Jérôme de Marnef, 1568. [8 Q 76 INV 959 RES (P.3)]

Capturé lors de la défaite hongroise de Mohács en 1526, le Croate Đurđević (vers 1506-vers 1566) est emmené en Turquie. Après treize ans d’esclavage, il parvient à s’enfuir, puis s’emploie à rédiger en latin plusieurs ouvrages destinés à dénoncer les souffrances des chrétiens captifs et la menace ottomane. Source d’informations de première main sur les coutumes turques, ils connaissent une grande diffusion en Europe.

 

 

2 – L’intérêt de l’Orient pour un Vénitien

Gasparo BALBI, Viaggio dell'Indie Orientali. Venise : Camillio Borgominieri, 1590. [8 G 243 (4) INV 2824 FA]

Marchand vénitien, Balbi (vers 1550-vers 1623) entreprend en 1576 un voyage en Orient pour le commerce des pierres précieuses. Ses affaires et sa curiosité lui font traverser la Syrie, l’Irak, l’Inde, jusqu’à atteindre Pégou en Birmanie en 1583. Dans son compte rendu publié en 1590, il note avec exactitude les toponymes, les détails singuliers et les renseignements utiles, comme cette liste du prix des épices à Ormuz.

 

3 – La Russie décrite par un mercenaire

Jacques MARGERET, Estat de l'empire de Russie et grande duché de Moscovie… Paris : Mathieu Guillemot, 1607. [8 M SUP 262 RES]

Désœuvrés au terme des guerres de Religion, nombre de nobles français partent guerroyer en Europe orientale. Jacques Margeret (vers 1560-vers 1620) sert ainsi comme capitaine mercenaire en Transylvanie puis en Pologne et en Moscovie où il se distingue lors des troubles successoraux. Cette expérience lui permet aussi d’offrir à Henri IV et à ses sujets l’une des premières descriptions en français de la Russie.

 

4 – Voir et être vu : l’ambassadeur du Roi-Soleil au Siam

Simon de LA LOUBERE, Du royaume de Siam. Paris : veuve de Jean-Baptiste Coignard et Jean-Baptiste Coignard, 1691. [8 G 245 INV 2835 RES]

Espérant renforcer le commerce français dans les Indes orientales, Louis XIV échange plusieurs ambassades avec le roi de Siam au cours des années 1680. À la tête de la troisième ambassade française, Simon de La Loubère (1642-1729) est accueilli avec faste, et peut rapporter au roi de France la description minutieuse et promise à un grand succès d’un pays largement inconnu jusqu’alors.

 

5 – Pirate et savant

William DAMPIER, Suite du voyage autour du monde avec un traité des vents qui regnent dans toute la Zone Torride. Amsterdam : Paul Marret, 1701. [8 G 123 (2) INV 2163 FA]

À bord de navires s’adonnant à la flibuste ou à la course, Dampier (1651-1715) sillonne les Caraïbes et le Pacifique, en prenant soin de cartographier les baies et de décrire les espèces animales ou végétales découvertes. Alors que l’équipage guette en 1687 le passage d’un galion de Manille chargé de marchandises espagnoles, Dampier observe ainsi les habitants des Philippines.

 

6 – L’Afrique orientale arpentée par les missionnaires

Étienne BAUR et Alexandre LE ROY, A travers le Zanguebar : voyage dans l'Oudoé, l'Ouzigoua, l'0ukwéré, l'Oukami et l'Ousagara. Tours : Mame, 1893. [DELTA 15887 FA]

Au XIXe siècle, le mouvement pour l’abolition de la traite des esclaves participe au nouvel élan missionnaire en direction de l’Afrique, qui accompagne la compétition coloniale entre puissances européennes. Des missionnaires catholiques français, comme les spiritains, rivalisent ainsi avec des anglicans et des protestants dans la reconnaissance géographique et ethnographique de la Tanzanie.

 

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