Le passage du Nord-Ouest

L’un des plus puissants moteurs de l’exploration européenne est la recherche de nouvelles routes commerciales. Trouver en premier la route la plus courte vers l’Extrême-Orient : cet objectif a animé navigateurs et gouvernants pendant des siècles.

Samuel CHAMPLAIN, Les voyages du sieur de Champlain xaintongeois... 1613.

 

Cette route doit permettre de contourner les monopoles en vigueur, de capter à son bénéfice les flux de marchandises venues d’Orient dont l’Europe ne peut se passer : la soie de Chine, les épices, surtout le poivre d’Inde, les pierres précieuses... L’expansion ottomane aux XVe et XVIe siècles ayant confirmé la maîtrise turque du passage de ces denrées, les royaumes ibériques, les premiers, se mettent à financer des expéditions censées tracer de nouvelles routes maritimes.
Christophe Colomb, en entreprenant ses voyages vers l’Ouest, cherche précisément à rejoindre les Indes. Empruntant une autre voie, entrouverte par Bartolomeu Dias, les Portugais parviennent en 1498, grâce à Vasco de Gama, à atteindre ces mêmes Indes en contournant l’Afrique, mais c’est pour se réserver cette route et les bénéfices de son commerce. Les espoirs et la compétition des autres puissances européennes se reportent alors sur la reconnaissance d’une autre voie, plus directe, qui contournerait le continent américain par le Nord. Ce rêve obstiné traverse les siècles en dépit des échecs de chaque génération, entretenu par la multiplication des récits publiés.

 

La course à l’exploration par la façade atlantique

Dès 1497, alors que la reconnaissance de l’Amérique méridionale fait comprendre l’ampleur de l’obstacle que constitue ce continent, le roi Henri VII d’Angleterre envoie l’explorateur John Cabot à la recherche d’un passage par le Nord. Lors de la première phase de l’exploration aux XVIe et XVIIe siècles, qui correspond à la reconnaissance du Saint-Laurent au Québec, puis de la baie d’Hudson, différentes puissances maritimes du nord-ouest de l’Europe rivalisent.

Martin FROBISHER, La Navigation du capitaine Martin Forbisher [...] 1578.

Martin Frobisher, La Navigation du capitaine Martin Forbisher. Genève, Anthoine Chuppin, 1578. Traduction précoce en français du récit de ce navigateur anglais dont les premières découvertes en 1576 et 1577, y compris celle d’un prétendu minerai aurifère, justifient aux yeux de la reine Élisabeth Ire un important investissement financier.

Samuel de Champlain, Les voyages du sieur de Champlain xaintongeois, capitaine ordinaire pour le Roy, en la marine. Paris, Jean Berjon, 1613. Dès son premier voyage au Canada en 1603, l’une des missions du fondateur de la Nouvelle France est de découvrir un « chemin par le Nord pour aller à la Chine ».

Jens Munk, Navigatio septentrionalis, det er Relation eller bescriffvelse om seiglads oc reyse paa denne nordvestiske passagie... Copenhague, H. Waldkirch, 1624. Récit de la tentative confiée au navigateur Jens Munk par le roi Christian IV du Danemark pour trouver le passage.

 

La piste du Pacifique

Dans les décennies suivantes, les explorations anglaises se trouvent sans concurrence, mais les progrès dans la reconnaissance de la baie d’Hudson font s’éloigner les espoirs de trouver une voie praticable de ce côté. Les efforts reprennent au XVIIIe siècle, mais depuis la côte ouest du continent américain : c’est entre autres ce qui motive les expéditions des capitaines Cook et Vancouver.

James COOK, James KING, Troisième voyage de Cook [...] 1785.

James Cook, Troisième voyage de Cook, ou voyage à l'océan Pacifique, ordonné par le roi d'Angleterre, pour faire des découvertes dans l'hémisphère nord… & résoudre la question du passage au nord. Paris, Hôtel de Thou, 1785. La renommée de Cook fait porter sur lui les espoirs britanniques de trouver enfin le passage. L’expédition ne peut pourtant franchir les glaces qui barrent le détroit de Béring en 1778. C’est après cet échec que Cook trouve la mort aux îles Hawaï.

George Vancouver, Voyage de découvertes à l'Océan Pacifique du nord et autour du monde, dans lequel la côte nord-ouest de l'Amérique a été soigneusement reconnue et exactement relevée. Paris, Imprimerie de la République, an VIII [1800]. À son tour, l’expédition commandée par Vancouver est chargée de sonder les possibilités présentées par l’embouchure des grands fleuves de la façade ouest du continent.

 

Roald AMUNDSEN, Le passage du nord-ouest. 1909.

Épilogue ?

Ce n’est qu’au début du XXe siècle que le passage est finalement franchi par l’expédition menée par l’explorateur norvégien Roald Amundsen. Mais ce succès démontre en même temps l’impossibilité de l’exploitation commerciale de cette voie maritime, trop peu profonde par endroits. Pourtant, le réchauffement climatique en notre XXIe siècle semble réveiller ce vieux projet, en rendant possible une utilisation massive du passage du Nord-Ouest, comme de celui du Nord-Est, au large de la Sibérie.

Roald Amundsen, Le passage du nord-ouest. Paris, Hachette et Cie, 1909. Cette traduction de Charles Rabot met rapidement à la disposition du public français le récit de la première traversée, en 1906, par Amundsen et son équipage, à bord d’un voilier de pêche de 21 mètres de long.

 

Pour aller plus loin

Frédéric Regard (dir.), The quest for the Northwest passage : knowledge, nation and empire, 1576-1806, Londres, Pickering & Chatto, 2013.

 
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