Les voyages forment la jeunesse
Louis SONGY, La France d'Afrique : au Sénégal. (Collection Alcide Picard : bibliothèque coloniale et de voyages). 1904.
Au XVIe siècle, les humanistes soutiennent l’idée que se confronter au monde et aux autres dès le plus jeune âge constitue un moyen de se connaître soi-même et de nourrir son intelligence et ses connaissances. Mais à l’époque des Lumières, la méthode se précise et alors que se développent les manuels d’éducation, on estime que « l’âge du voyageur est celui où le jugement est formé, et la tête meublée des connaissances requises ».
Cette remarque introductive au Voyage en Hollande de Denis Diderot annonce la couleur : pour que l’expérience soit bénéfique, la théorie doit précéder la pratique. Toujours très friande de récits de voyages, la littérature de jeunesse qui fait son apparition chez les libraires au début du XIXe siècle divertit autant qu’elle éduque, stimule l’imagination autant qu’elle aborde des questions sociales ou économiques pour inculquer les valeurs éthiques à l’ordre du jour.
On en veut pour exemple les romans d’aventures coloniales qui, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, ont accompagné dans leur formation des générations de petits lecteurs, cherchant à développer leur attachement à l’empire et à son expansion, dans un contexte de rivalités entre puissances coloniales.
57 – Manuels d’éducation et apprentissage par l’exemple
Joachim Heinrich CAMPE, La découverte de l'Amérique, pour l'instruction & l'amusement des jeunes gens… Tome premier. Lausanne : Hignou et Cie, 1798. [8 Z 6135 INV 9346 FA]
Cette histoire de l’Amérique est l’un des premiers exemples de l’usage de la narration dialoguée, largement utilisée pour ses qualités pédagogiques dans la littérature scientifique depuis la Renaissance, dans une littérature pour enfants en voie de constitution. L’ouvrage vante ainsi les qualités morales et intellectuelles qui valurent à Christophe Colomb son succès outre atlantique.
58 – Entre réel et fiction, une frontière ténue
Christian DAMBERGER, Voyage dans l'intérieur de l'Afrique… Traduit de l’allemand. Tome premier. Paris : Amand König, an IX [1801]. [8 Z 1874 INV 4285]
Plusieurs fois réédité, cet ouvrage est un récit d’aventures fictives qui se présente comme la relation d’un voyage savant : plans et planches, descriptions précises et même états d’âme du voyageur-écrivain, tout y est. Ce type d’ouvrages ouvre la voie à une littérature de voyage fictionnelle qui fera la fortune de romanciers populaires comme Jules Verne au cours du XIXe siècle.
59 – Des éditeurs spécialisés dans la littérature de jeunesse
René MULLER, À travers les mers (Collection Bibliothèque morale de la jeunesse). Rouen : Mégard et Cie, 1884. [8 Z 7508 INV 10947 FA].
Document non numérisé
Dès le milieu du XIXe siècle, le marché de la littérature de jeunesse est partagé par quelques éditeurs catholiques comme Ardant à Paris, Mame à Tours ou Mégard à Rouen, qui profitent de l’essor de l’alphabétisation et produisent des milliers de volumes à faible coût. Cet ouvrage, en papier gaufré, balaye les grandes expéditions maritimes françaises de Jean Ango à Jules Dumont-d’Urville.
60 – À côté du livre de classe, le livre de prix
Henri LEBRUN, Voyages et aventures du capitaine Cook. (Collection Bibliothèque des écoles chrétiennes). Tours : Alfred Mame et Cie, 1846. [8 Z 7437 INV 10873 FA]
Distribués dans les écoles ou reçus en étrenne, les livres de prix se généralisent à partir des années 1830. S’ils se doivent d’enseigner aux enfants les bonnes vertus morales, ils se veulent plus récréatifs que les livres scolaires comme en témoignent les dessins d’enfants ajoutés à cette gravure de l’Endeavour, voilier utilisé par James Cook lors de sa première expédition vers l’Australie (1768-1771).
61 – Des livres « bons et beaux » : les cartonnages d’éditeurs
Paul JOUHANNEAUD, Album des voyages anciens et modernes : édition illustrée de portraits des différents peuples de la terre (Collection Bibliothèque religieuse, morale et littéraire pour l’enfance et la jeunesse). Limoges, Paris : Martial Ardant frères, 1858. [4 Z 2453 INV 2547 FA]. L'exemplaire numérisé par la Bibliothèque nationale de France date de 1861
Les éditeurs jeunesse se mettent à produire des ouvrages qui se veulent attrayants dans leur habillage comme dans leur contenu. À partir des années 1840, les grandes maisons d’édition maîtrisent toute la chaîne de production : en plus d’une imprimerie, ils possèdent alors généralement un atelier de reliure dans lequel est réalisé industriellement ce type de cartonnages dit romantique.
62 – La littérature de jeunesse au service des ambitions coloniales françaises
Louis SONGY, La France d'Afrique : au Sénégal. (Collection Alcide Picard : bibliothèque coloniale et de voyages). Paris : Librairie d'éducation nationale, 1904. [8 L SUP 3003]
Publié comme souvent dans une collection patronnée par le ministère de l’Instruction publique, ce résumé des études ethnographiques réalisées par l’auteur en Afrique de l’Ouest dans les toutes premières années du XXe siècle s’adresse au jeune public français, dans le but de développer son goût des voyages mais surtout son intérêt pour les colonies, envisagées comme un terrain d’expérimentation pour les « déclassés » de métropole.